Nous avons tous regretté ou ruminé un « OUI » dégainé trop vite. Cela nous a mis dans des situations parfois inconfortables voire dans un mal être.
A peine le oui est-il lâché que nous sommes rempli(e)s de remords et pourtant on se lance dans des actions dont nous n’avions pas forcement envie : se dévouer pour prendre le dossier dont personne ne veut, être présent pour le déménagement de dernière minute, rendre visite à une personne pour qui nous ne portons pas particulièrement d’affection etc…
Comment alors se défaire de ce oui frénétique et dire non ?
Le premier « Non »
Dans le développement affectif et cognitif de l’enfant, l’âge des deux ans est une période charnière. C’est l’âge où il dit non à tout et à tous.
Cette période peut rapidement devenir très épuisante pour les parents / éducateurs de l’enfant. On passe du « gentil » bébé docile à un être à part entière qui s’affirme. Le non est le signifiant de l’affirmation du sujet face à ses parents, il prend conscience qu’il est « je ». Nous retrouvons cette appétence pour le non à l’adolescence. Là encore le sujet veut s’affranchir de la relation d’autorité à ses parents et réfute le schéma parental.
Cependant l’enfant est pris entre deux sentiments ambivalents : son désir d’autonomie et l’angoisse d’abandon, la perte de l’amour parental. L’angoisse, peut alors prendre le dessus si le parent ou l’éducateur répond par du chantage affectif : « si tu continues comme ça on ne pourra plus s’occuper de toi ». L’enfant va alors se mettre en position d’obéissance absolue pour éviter de perdre l’amour de ses parents.
Une fois adulte, il restera dans cette position infantile qui à pu être aussi être amplifier par l’angoisse de castration où la peur inconsciente du conflit continue. Pour eux, dire non ou refuser est synonyme de désobéissance et peut entrainer la perte d’amour de l’Autre. A noter que cette angoisse d’abandon peut être ressenti par l’enfant sans que les parents soient dans l’amour conditionnel, mais comme vous le savez, seuls les ressentis et la réalité psychique du patient sont pris en compte dans l’analyse thérapeutique.
Pourquoi ?
Pourquoi, une fois adulte, est-il si difficile de dire non ? Il existe plusieurs réponses qui sont en lien avec l’histoire de chacun d’entre nous.
Tout d’abord, le oui peut être l’occasion pour le sujet de se positionner au sein de la famille, d’un groupe, d’une communauté. Il pense (inconsciemment) que le fait d’acquiescer va lui permettre qu’on lui donne sa place. Le oui lui sert à exister. On retrouve souvent des personnalités qui sont restées très attachées à l’autorité parentale.
Le oui est aussi une réponse à de la culpabilité que ressent le sujet. Souvent, nous confondons la personne et sa demande. Je m’explique : lorsque nous répondons à une requête, notre réponse n’est pas pour la personne mais seulement pour sa demande. Si nous prenons l’exemple du déménagement. Nous pouvons dire non à cette demande mais ce n’est pas contre la personne, ça ne veut pas dire qu’on ne l’aime plus. Nous avons souvent tendance à penser que dire non n’est pas « gentil ». Or la serviabilité, la gentillesse, sont compatibles avec l’affirmation de sa personne.
Nous pouvons aussi remarquer chez certains sujets, un sentiment de toute puissance, comme un super héros : « Je peux sauver le monde ». Ce sentiment de toute puissance, est sans doute le résultat d’une personne qui est resté dans un fantasme infantile. Egalement des personnalités qui veulent garder une image de perfection.
Les conséquences
Cette incapacité à dire non peut devenir pathogène. Le sujet ayant un Moi faible, moins construit, peut mettre en place inconsciemment des mécanismes de défenses tels que l’évitement, la victimisation, le mutisme afin qu’ils n’aient pas à se positionner, à dire « non ».
Ensuite, répondre oui alors que l’on a envie de dire non, c’est mettre en priorité le désir de l’autre avant le sien. Cela amène à une dévalorisation déjà présente de l’image que l’on a de soi.
Le fait de ne pas oser dire non, peut vous mettre dans des situations dangereuses. Vous pouvez même en arriver à éprouver du ressentis envers les autres, alors qu’ils n’y sont pour rien dans vos prises de décisions. D’autres sentiments comme la culpabilité, la colère et la frustration peuvent vous envahir.
Accomplir des choses que vous vous sentez obligé de faire, peut réellement vous amener dans un état de tristesse. Dans ce cas vous vous éloignez de votre Moi, de qui vous êtes, de vos désirs. Votre confiance en vous va dépérir. A force d’étouffer vos sentiments, ils vont émerger sous des formes de symptôme psychiques et physiques.
Solutions alternatives pour dire non
La colère
Une des premières alternatives qui peut paraître surprenante, c’est la colère.
La colère est indispensable, il faut apprendre à se mettre en colère. Nous sommes assaillis d’injonctions au bonheur, « soyez positif » « apprenez à sourire ». Effectivement, cela part surement d’un sentiment très à la « mode », la bienveillance. Cependant l’être humain est constitué d’émotions dont la colère fait partie. Vous avez le droit de dire non avec une certaine colère quand la demande émise ne respecte pas l’intégrité de la personne que vous êtes.
« Se priver d’une colère saine, c’est se priver de la communication avec les autres. Et si celle-ci est inexistante, alors ne serons pas en communication avec nous-mêmes. La thérapie s’efforce de restaurer ce dialogue. »
Etienne Jalenques, psychiatre/psychothérapeute, « La thérapie du Bonheur » ; Edition Marabout
Avant de prendre une décision, essayez de vous recentrer et ressentir ce que vous voulez vraiment. Vous pouvez, lorsque la situation le permet bien sûr, demander à votre interlocuteur de donner une réponse plus tard. Au niveau professionnel, la situation est plus délicate. Prenez l’habitude de prendre une grande respiration avant de dire « oui » ou « non ».
La psychanalyse
Autre solution, la psychanalyse. Le psychanalyste va accompagner le patient dans la conscientisation de ses mécanismes de défenses. Ceci afin de pouvoir les diminuer et l’amener à renforcer son Moi. Il va développer sa capacité à s’individuer et il va savoir désormais s’adapter aux situations qui requièrent un non et cela sans culpabilité.
Il ne faut pas mettre de côté le lien corps / psychisme. En effet vous pourrez ressentir lors des premières prises de position du non, certains symptômes physiques (mal de gorge, mal de tête), acceptez-les. Ce sont des résistances, c’est normal, ils vont partir. Il faut laisser du temps votre appareil psychique de faire une « mise à jour » de ce nouveau fonctionnement.
Enfin, en Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC), nous utilisons aussi les phases dites d’exposition. Le thérapeute va accompagner le patient afin de se confronter à des situations où il doit dire non. Il va en quelque sorte dédramatiser cet acte. Le patient va alors s’y habituer, prendre confiance, et sa façon de réagir sera plus adapté et cohérente.
Apprendre à dire non, peut devenir un acte salvateur. Dire non c’est dire « je ». C’est être à l’écoute de son désir, de ce qui est bon ou non pour soi et surtout de ne pas se mettre en danger.
Je vous remercie et prenez soin de vous